Je me souvenais encore lorsque, petite, je jouais avec les quelques gamins de l’hôtel dans le parc. Ça avait toujours été de bons moments. A se bousculer dans la boue, à baisser les culottes des garçons, à jouer à chat perché, à rire à n’en plus finir. Dans ces moments là, j’oubliais que j’étais une simple orpheline destinée à travailler dur pour pouvoir me payer plus tard des études et une vie plus ou moins correcte. J’étais insouciante et heureuse. Je n’avais qu’un seul souci en tête : Quel fruit allais-je bien pouvoir manger aujourd’hui, fraise ou framboise ? Car il en poussait partout dans le parc. Et nous nous en régalions chaque mercredi après-midi, lorsque les parents de mes amis les laissaient sortir. Oui, parce que moi, j’en faisais un peu à ma tête. Je n’avais pas de contrainte, pas d’obligations. Et heureusement, j’avais toujours été une petite fille sage… Je n’ose pas imaginer ce que je serais devenue sinon.

Mais je devais beaucoup à l’hôtelier, au directeur. C’est lui qui m’avait pris en charge à la mort de ma mère. Il m’avait aidé dans les premières années de ma vie, presque comme un père. Pourquoi ? Je ne lui avais jamais demandé, et je ne comptais pas le faire. Je lui en étais juste reconnaissant de ne pas m’avoir abandonné à mon sort. D’après ce qu’on dit, il n’a jamais pu avoir d’enfant, malgré l’envie. Comme quoi, les circonstances de la vie amène bien souvent des surprises. Sans lui, je serais peut-être dans un foyer ou même morte.

Quoiqu’il en soit, à maintenant dix-huit ans, je prends des cours de médecine. J’aimerai devenir chirurgienne ou quelque chose dans ce goût là. Et puis à Cutter’s Wedge, il y a de la place. Ce n’est certes pas une grande ville, mais elle est tout de même bien fournie. Et même si il se passe des choses… bizarres et étranges. Certaines personnes surtout. Comme si elles appartenaient à un autre monde. Souvent, on entend parler qu’une femme ou un homme, jusqu’alors normal, change radicalement de personnalité, et souvent du mauvais côté. Comme si une force obscure c’était emparé de lui ou d’elle. A croire qu’il y ait une secte dans le coin, ou quelque chose dans ce genre-là.

Enfin. Aujourd’hui, nous étions dimanche. Il faisait un soleil d’enfer, et je n’avais aucune envie de rester enfermer dans ma chambre. Et même si j’avais obtenu une suite, il n’en restait pas même que nous étions dans un hôtel, assez délabré par endroit. Et j’avais donc décidé d’aller lire dehors. Prenant un livre dans la pile « non lu », je mis mes lunettes de soleil sur le nez et descendis les trois étages. Parce qu’on avait tellement de chance, que dans cet hôtel, il n’y avait aucuns escaliers. Toujours pratique, je vous l’accorde.

Dehors, le soleil tapait bien fort. L’extérieur du bâtiment était immense. Des dizaines d’hectares s’étendaient à perte de vue, encadrés par d’un côté le cimetière et de l’autre, ben l’entrée du domaine. Je n’avais encore jamais mis les pieds dans le cimetière, il était abandonné, et énormément de rumeurs circulaient entre les clients sur l’endroit. Plutôt peureuse, je n’avais donc jamais osé m’y rendre.

Je me rendis dans l’air de jeux, là où j’avais l’habitude d’aller étant enfant. Et ouvrant mon livre, je m’assis sur une balançoire, me balançant au gré de la douce brise. Jusqu’à ce que j’entendis des légers bruits de pas venant dans ma direction. Haussant un sourcil, je levais la tête de mon bouquin.